La lecture d’Evil Nigger de Julius Eastman (1940-1990) est une expérience déconcertante. On y rencontre un mixte de notation solfégique traditionnelle, de signes non conventionnels (temps chronométré, flèches…) et de lacunes portant sur de nombreux paramètres (instrumentation, rythme, tempo, caractère). Deux hypothèses se dégagent : soit le scripteur ne possède pas les moyens techniques d’employer une notation musicale conventionnelle, soit il a délibérément effectué ces choix, qui expriment sa visée esthétique. Cette question interroge le cadre conceptuel qui réduit la notation à une « forme » donnée au « fond » que serait la pensée musicale.
La classification des notations d’Eastman en quatre familles principales permet d’affirmer que son hybridité notationnelle renouvelle la réflexion sur les liens entre écriture musicale et pratiques de lectures et d’interprétations.