Nouvelle dans le paysage des revues françaises, écriture et image s’inscrit dans la filiation du Centre d’étude de l’écriture et de l’image, créé officiellement en 1982 par Anne-Marie Christin à l’université Paris Diderot. D’abord consacré à l’étude du rôle de l’image dans la création littéraire, en particulier au XIX^e siècle, le CEEI s’est rapidement tourné vers une réflexion élargie aux liens entre création artistique et évolution des systèmes d'écriture. C’est dans le respect de cet héritage intellectuel, et avec l’indépendance qui caractérise un réseau aujourd’hui constitué en association de recherche, que les membres du CEEI ont conçu le projet d'une revue publiée sous une double forme : une revue numérique – écriture et image – explorant chaque année une question scientifique proposée par un ou deux rédacteurs.trices en chef invité.e.s ; des hors-séries occasionnels – Cahiers du CEEI – imprimés en nombre limité, dédiés aux arts de l’écriture et de l’image.

A l’occasion du lancement de son premier numéro, écriture et image souhaite à la fois affirmer sa complémentarité par rapport aux revues existantes, imprimées et numériques, et préciser un positionnement spécifique sur deux points : l'attention qu'elle porte aux systèmes d'écriture et à leurs propriétés iconiques (tout ce qui « dans l’écriture est encore image en elle ou désir d’en rendre compte », A.-M. Christin, l’immédiate, n°27, 1981) et aux supports qui permettent l'éclosion et le développement des formes écrites ; l'ouverture à des objets d’étude transversaux, décentrés et hétérogènes rassemblant toutes les formes d’expressions de l’écrit et de l’image, littéraires et artistiques, ou non.

Aujourd’hui soutenue par le CNRS et la Sorbonne nouvelle (UMR THALIM, à l'INHA), écriture et image assume le choix d’un support, en l’occurrence numérique, investi librement, comme le fut autrefois l’immédiate, revue d’art et d’avant-garde, conçue par Anne-Marie Christin avec Philippe Clerc (1974-1981) ou, plus récemment, l’ancien site du CEEI (2006). Le ciel constellé du bandeau surplombant la revue fait signe autant vers les revues-images reprographiées de Philippe Clerc que vers l'écriture lumineuse sur champ obscur qui fascinait Mallarmé. L’esthétique minimaliste d’écriture et image manifeste ce double héritage : bas de casse pour la typo des titres ; larges blancs marginaux ; dessins à ligne fine ; jeux de contrastes entre les vides et les pleins.  

Les réflexions rassemblées dans ce numéro 1 consacré à la « pensée de l’écran » sont le fruit d’un travail piloté par Violaine Anger et Jan Baetens, avec pour objectif de mettre l’écran à la question en faisant converser la pensée d’Anne-Marie Christin avec son extérieur théorique. Attentifs à cette orientation, certains articles interrogent la "pensée de l'écran" depuis l’œuvre de la chercheuse, d’autres l’éprouvent à partir de leurs corpus et de leurs méthodologies. Les objets choisis, pluriels, couvrent du Moyen Âge à l’extrême contemporain, de l’Europe à l’Asie, sans s'arrêter à une conception strictement contemporaine de l'écran : manuscrits, tableaux, écrans peints, paravents, bapos, vidéos, rideaux sont autant de supports abordés dans cette livraison qui détachent l'écran de son évidence immédiate. Les rubriques archives, cabinet de curiosités, entretiens et comptes rendus achèvent de dévoiler la variété et l’ambiguïté du mot, du concept et de l'objet, dans le temps comme dans l'espace.

Une absence ombre cette parution, celle d'Yves Jeanneret (1951-2020) : auteur d’une HDR sous la direction d’Anne-Marie Christin, co-auteur avec Emmanuel Souchier de la notion d’« écrit d’écran », éditeur d’un collectif sur L’Imaginaire de l’écran (Rodopi, 2004), il fut un compagnon fidèle du CEEI. Ce numéro inaugural est dédié à sa mémoire.